lundi 29 décembre 2008

Souvenirs cairotes

Quelque photos de vacances, histoire de rêver...

Elles aussi, elles rêvent. Mais de quoi?



Lui aussi il rêve, mais d'un steak, probablement.



Et pour mes rêves érotiques, un boucher cairote.



Ensuite, un artisan cairote, et son assistant(e?)



Lapins cairotes proches de l'égorgement, dans le souk derrière l'université al Azhar...




Le Nil, assez grandieux, on se sent presque à Paris



Exemplaire typique de taxi, dans la nouvelle ville




Trafic cairote




Un exemplaire rouge flamboyant de Fiat Ritmo, je n'en voyais pas depuis au moins vent ans, c'était la voiture de mon oncle Franco, paix à son âme, il a grandi en élevant des cochons dans le brouillard et les rizières du versant lombard de la plaine du Pô, les porcheries sont actuellement la maison où habite ma sœur. (Renouvelées et transformées en villa bourgeoise, je veux dire - évidemment).
Des vieillies Fiat qui m'ont rappelé mon enfance, le Caire en est pleine. Certaines ont gardé l'ancienne plaque italienne en dessous de l'actuelle plaque arabe, mais l'air est trop pollué pour qu'on reste au bord de la route photographier des anciennes Fiat.
En tout cas, cela m'a émue de revoir la voiture de oncle Franco, qu'il repose en paix. Avec lui et dans cette voiture, j'ai passé les pires vacances de ma vie, dans la basse montagne piémontaise, un été, j'étais très jeune et nous nous promenions avec ma tante dans la Ritmo rouge qui émettait un sifflement sinistre lors que tu accélérais au dessus de 70KM. Je mourais de honte. La voyant circuler au Caire, j'y repense comblée de tendresse.




Un des nombreux building cairotes au bord du Nil, dans le quartier autour du Sofitel. Complètement vides et abandonnés, solitaires, tristes. Quelle est la raison de cet abandon? Les habitants semblent les avoir quitté en vitesse, ne pouvant que ressembler leur effets personnels. Tremblement de terre, alerte attentat, risque d'écroulement, magouilles dans les permis de construction? Qui sait.







Nous voici maintenant respirer en plein quartier musulman. Ambiance traditionnelle, musique et animation toute la nuit dans les restaurants de la place Al Hussein, juste en dessous de ma modeste chambre d'hôtel - si que ce matin me reveillant dans la paix fivoise j'ai senti le silence envahir ma chambre...

La vue de mon balconnet, un vendredi midi juste avant la prière, on prépare les tapis au cas où la mosquée soit pleine, et on ouvrira (c'est automatisé en réalité, ça marche avec la lumière du soleil) les parasols géants ...





Les escaliers de l'hôtel (l'ascenseur marche aussi, mais on se retrouve en gênant tête à tête avec un chasseur d'hôtel en blouse verte qui te regarde avec des grands yeux, rêveur...)



La chambre d'hôtel...



Cuisine de l'hôtel...non, je rigole: cuisine abandonnée en pleine rue, sous une arcade.



Le bel Islam.









école pendant la recréation, les écoliers sont heureux de poser, la femme en hijab noir un peu moins




La boutique où j'ai acheté mes cadeaux...je m'y suis rendu un après-midi vers trois heures, et le propriétaire n'était pas là (chaise vide), il était parti à la mosquée prier. J'ai longtemps attendu. La boutique était ouverte. J'ai pu m'y promener et choisir mes objets en tout silence et tranquilité. Gardait la boutique une marchande de citron située en face à quelques mètres, c'est elle qui m'a expliqué que le type était parti...imaginez-vous de laisser votre boutique ouverte pendant que vous n'êtes pas là ici en Europe. Que trouverez-vous au retour?



Pour finir, une 'salle de cours' à l'université Al-Azhar, le soir à l'heure de la prière du soir. On se croirait à l'époque d'Averroès. Ca change de Paris Jussieu, non?



Et tellement d'autres souvenirs et rêveries dont j'ai plein le cœur.

Revenons maintenant à notre beauté par erreur.

mardi 16 décembre 2008

En attendant Momo (ou Hommage aux amours de banlieue)

on aime les mots qui font crever


les journées de brouillard


on aime les petits gens


on aime la merde


on aime les formes raphaélites...

lundi 1 décembre 2008

Je ne parle pas que de...





Mon grand-père maternel était, parait-il, fasciste (à une époque et dans un Piémont un peu hypocrite où toute la bourgeoisie l'était), camicia nera, chemise noire; il fut tué par les partisans lors de la libération à coups de sachets de riz dans le dos, parait-il, méthode un peu macabre largement utilisée par les partisans pour fracasser sans laisser de traces de coups. Il fut tué parce qu'il était chemise noire et bourgeois citadin et travaillait dans les bureaux de chez Borsalino (ma grande-mère aussi y travailla, mais juste pendant une brève période).
J'ai toujours aimé les chapeaux Borsalino. La nouvelle collection de cette année est un chef d'œuvre. Borsalino couvre depuis plus d'un siècle les têtes des hommes et des femmes, et continue de le faire aujourd'hui, dans une époque où la nudité est préférée aux choix d'élégance, et où la 'tête couverte' est devenue synonyme de vulgaire soumission à un idéal religieux (alors qu'à l'époque de mon grand-père avoir la tête découverte était inconcevable). On enlevait le chapeau en rentrant quelque part, ou bien pour saluer quelqu'un. On raconte que mon grand-père, souvent en Borsalino, levait légèrement son chapeau des dizaines des fois (le geste suffit) pour saluer les uns et les autres lors qu'il se rendait ou rentrait du travail dans l'usine de Spinetta Marengo, ZI de Alessandria (Piemont).
Voilà pour la petite histoire familiale. Il aurait été beaucoup plus politiquement correcte que je vous raconte une histoire de grand-père communiste et engagé du bon coté. Mais non, ainsi en est pour aujourd'hui.

(Je dis ceci parce que je viens de découvrir un ouvrage quelque peu bizarre de Mark Sedgwick appelé Against the Modern World (Oxford UP, 2004), où Sedgwick recense tous les penseurs d'après-lui 'anti-modernistes' dont les œuvres ont vu la lumière, non pas par miracle mais par précises dynamiques historiques, entre les deux guerres. Et je viens de découvrir avec horreur que plusieurs philosophes cités sont des types que je lis régulièrement et dont j'apprécie la pensée et les écrits. Ils seraient tous aussi, d'après Sedgwick, plus que anti-modernistes: fascistes (évidemment). Julius Evola, Fritjof Schuon, Réné Guenon (professeur d'Albert Camus), Mircea Eliade, tous la même bande de vieux has-been fascios! Je suis d'un coup possédée par le doute: serais-je, outre que intégriste, spermatologue, nymphomane, fainéante, intransigeante, puritaine, amoureuse des pâtes au beurre, aussi fasciste? Alors là, ce serait le comble!Est-ce pour cela que j'aime les chapeaux Borsalino? Est-ce pour cela que je suis célibataire? Est-ce que...? Qui suis-je?)

ma tête, ce soir

ma tête, ce soir

Accouplé à la peur
entre la vie et le vide

le cou engendre le couteau

et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps

éclate de mou rire

(Ghérasim Luca, A gorge dénouée)

de quoi Elise est-il le nom?

nous sommes nombreux mes frères