Depuis un mois, je n'ai reçu de ma bonne amie que deux billets de trois lignes chacun. A-t-elle des affaires ? Celle d'écrire à son bon ami n'est donc pas un besoin pour elle ? Dès lors celle d'y penser... Vivre sans penser à Joséphine, ce serait pour ton ami être mort et ne pas exister. Ton image embellit ma pensée et égaye le tableau sinistre et noir de la mélancolie et de la douleur...
Un jour peut-être viendra où je te verrai ; car je ne doute pas que tu ne sois encore à Paris. Eh ! bien, ce jour-là, je te montrerai mes poches pleines de lettres que je ne t'ai pas envoyé parce qu'elle étaient trop bêtes - bien, c'est le mot.
Bon Dieu ! Dis-moi, toi qui sais si bien faire aimer les autres sans aimer, saurais-tu comment on guérit de l'amour ??? Je paierai ce remède bien chère.
Tu devais partir le 5 prairial ; bête que j'étais, je t'attendais le 13. Comme si une jolie femme pouvait abandonner ses habitudes, ses amis, sa madame Tallien, et un dîner chez Baras, et une représentation d'une pièce nouvelle, et Fortuné, oui, Fortuné !
Tu aimes tout plus que ton mari ; tu n'as pour lui qu'un peu d'estime, et une portion de cette bienveillance dont le coeur abonde. Tous les jours récapitulant tes tord, tes fautes, je me bat le flancs pour ne te plus aimer, bah ! voilà-t-il pas que je t'aime davantage. Enfin, mon incomparable petite mère, je vais te dire mon secret : moque-toi de moi, reste à Paris, aie des amants, que tout le monde le sache, n'écris jamais, eh bien !
Je t'en aimerai dix fois davantage.
Si ce n'est pas là folie, fièvre, délire ! Et je ne guérirai pas de cela (oh ! si pardieu, j'en guérirai) ; mais ne va pas me dire que tu es malade, n'entreprends pas de te justifier. Bon Dieu ! Tu es pardonnée ; je t'aime à la folie, et jamais mon pauvre coeur ne cessera de donner son amour. Si tu ne m'aimais pas, mon sort serait bien bizarre. Tu ne m'as pas écrit, tu étais malade, tu n'es pas venue. Le Directoire n'a pas voulu, après ta maladie, et puis ce petit enfant qui se remuait si fort qu'il te faisait mal ? mais tu as passé Lion, tu seras le 10, à Turin ; le 12, à Milan où tu m'attendras. Tu seras en Italie, et je serai encore loin de toi. Adieu ma bien-aimée, un baiser sur ta bouche ; un autre, sur ton coeur, et un autre sur ton petit absent.
Nous avons fait la paix avec Rome qui nous donne de l'argent. Nous serons demain à Livourne, et, le plus tôt que je pourrai, dans tes bras, à tes pieds, sur ton sein.
Roverbella, le 18 messidor
dimanche 30 janvier 2011
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ma tête, ce soir

Accouplé à la peur
entre la vie et le vide
le cou engendre le couteau
et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps
éclate de mou rire
(Ghérasim Luca, A gorge dénouée)
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