vendredi 19 juin 2009

Cosi' fan tutti

Désolée de décevoir les libidineux et les moralisateurs qui, montés sur leurs réciproques grand cheveux (qui se ressemblent tant), trouveront appétissant ou scandaleuse l’affaire de l’escort -girl qui a balancé le premier ministre italien, notre Silvio’ national.

J’ai fréquenté le milieu pourri de la ville de Rome en 2003 pour des raisons professionnelles.
J’ai été introduite dans le ‘milieu’ par un crétin (qui m’avait été présenté par mon frère), un soi-disant intellectuel sans le sous et sans profession véritable, qui transitait dans l’orbite du parlementaire mafieux aujourd’hui en disgrâce, Marcello dell’Utri, très proche de Berlusconi. Marcello, qui se voulait mécène et protecteur des arts, m’avait même reçu à Bruxelles dans le hall de l’hôtel Amigo (je raconterai de cette rencontre un autre jour, j’avais une robe en lin couleur marron qui me laissait le dos découvert, et avais dormi à mes frais dans un hôtel pour fauchés sur la place du Sablon). Or, si vous êtes un minimum intelligents et déterminés, vous pourriez vous faire ‘recevoir’ par ces gens dans les hall de leur hôtels pour riches, car ces gens reçoivent tout le monde, afin principalement de renforcer leur réseau. C’est la norme. Ils vous donnent leur faveur, et vous leur êtes redevable. C’est la méthode romaine, italienne, mafieuse.
Rien n’a eu lieu avec dell’Utri, car je n’ai pas chancelé. Cependant, le médiocre personnage lambda qui m’avait introduit à Dell’Utri (afin aussi, ce pauvre con, de se montrer puissant fréquentant les puissants) m’a aussi présenté un autre personnage, archi-louche, avec lequel j’ai eu une brève amourette. C’était un vrai voleur, et mafieux. Ce coté crapule m’attirait. C’était les hôtels sur piazza del Popolo, les Maserati décapotables, les golf-club du dimanche, les allés-retour entre Rome, Milan, Rome, Palerme…le type était aussi hyper-laid, mais très intelligent. Il est actuellement hors jeu, lui aussi, à cause d’une triste histoire d’extorsion de fonds. Dommage pour lui, je l’aimais bien et aurais voulu l’avoir comme ami. Il voulait s’installer avec moi à Rome. Se marier, je crois, avec moi. J’avais à l’époque un fiancé ici en France ; j’étais à Rome (à mes frais)une fois par mois, sous prétexte que ma traduction sortait cette année là…j’ai fini par tout perdre, fiancé lillois, amant mafieux – et j’ai gagné tout ce que j’ai maintenant, ma paix, ma petite vie mystique et cochonne, toi…
Le type qui m’amenait en Maserati avait fait de moi, en quelque mois, une vraie starlette, potentiellement escort-girl. Il me racontait ce qu’il faisait lorsque je n’étais pas à Rome : il allait dans les ‘festini’ (petites fêtes, littéralement), c'est-à-dire de soirées comme il y en a partout à Rome, où le monde politique le show-biz et les putes se mélangent. Il allait se faire masser et parfois sucer dans des ‘centres’ de beauté pour hommes, où il rencontrait ses copains parlementaires (il était chargé, à l’époque, des ‘rapports institutionnels’ d’une grande société italienne). Il était souvent un peu fauché. Il menait la grande vie. Il m’achetait parfois des cadeaux coûteux ; certains, je les ai gardé. J’ai failli devenir une pute. Ne jamais te connaître. C’est le milieu romain qui te fait ça quasi automatiquement, si tu n’as pas un fond plus ou moins sain.
L’histoire de la demoiselle qui balance Berlusconi est une histoire banale, comme il y en des milliers tout les jours en Italie, autour de Berlusconi et de sa classe politique. Rome est une ville magnifique et extraordinairement accueillante, toute petite en réalité, car tout se passe dans certains hôtels, dans certains restaurants, et dans le quartier du Tridente, entre la grosse tranche de beurre ranci que Mussolini a érigé à coté du Colosseo (Il Vittoriale) et piazza del Popolo. C’est un quartier grand comme Fives, à peu près. Tout le monde se connaît. Tout le monde est habillé pareil. Les mecs sont cravatés, les filles ont les ongles vernies et les cheveux raids. Ça pue.
L’Italie est en ruine, depuis longtemps. Depuis la disparition du socialiste Bettino Craxi, elle n’a pas une classe politique crédible au gouvernement, juste un groupe de clown cravatés qui aime la richesse facile et les putes (ces derniers restent les plus respectables, dans l’histoire). Les gens qui travaillent, étudient, aiment, au Nord, au Centre, au Sud, ont fini par s’habituer à cette pourriture ; certains ont expatrié (comme moi), certains ont pris leur retraite et voient la chose de loin (comme mon père), certains sont dedans jusqu’au cou (comme mon frère). C’est un pays où il fait bon vivre. Tout le monde a la bonne humeur, la colère facile, l’insulte au bout des lèvres. La fille qui a balancé Berlusconi n’aura tout de même pas un avenir facile. Quelles que soient ses motivations, elle a été courageuse jusqu’à présent, elle se bat avec les moyens qui sont ceux de tout le monde, et dans un milieu pourri. Mais, je le répète, cela est à l’ordre du jour en Italie. Aujourd’hui L’Avvenire, journal des évêques italiens, demande à Berlusconi des explications sur cette affaire sordide. C’est oublier que cela a toujours existé, et que cet homme est depuis des années au centre d’un réseau mafieux qui dicte la loi (littéralement). Que l’église se rebelle (faiblement) aujourd’hui, cela me fait bien rire. Tout le Vatican mange aux restaurants mafieux de la capitale. Qu’est-ce que ce moralisme de la dernière heure ? L’Italie sera toujours foutue, jusqu’à ce que le Vatican existera.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

vous ne parlez pas d'Andreotti dans tout ça

ma tête, ce soir

ma tête, ce soir

Accouplé à la peur
entre la vie et le vide

le cou engendre le couteau

et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps

éclate de mou rire

(Ghérasim Luca, A gorge dénouée)

de quoi Elise est-il le nom?

nous sommes nombreux mes frères