mercredi 27 janvier 2010

du blog d'Alina Reyes à propos de Lanzmann, Sollers, Haenel et tutti quanti

24.01.2010
Des parasitages

« Je publie dans ma collection L'Infini un roman qui est un magnifique hommage à ton roman Forêt profonde et à toute ton œuvre », ne m'a pas prévenue Philippe Sollers « par un appel téléphonique, matinal et hâtif », comme celui que reçut Claude Lanzmann (remplacez Forêt profonde par Shoah). À part cela, les procédés sont proches.

Six pages de Claude Lanzmann, donc, dans Marianne de cette semaine, pour dire que le dernier livre de Yannick Haenel relève du « parasitage » voire du « plagiat » - et de la « falsification de l'Histoire et de ses protagonistes ». Marie Darrieussecq, amie de Yannick, en déduira sans doute que Lanzmann agit ainsi parce qu'il nourrit un désir fou, cet inconnu, de sortir de l'ombre en se disant plagié , et plus spécialement une érotomanie cachée envers Sollers. Car Lanzmann le dit bien, « l'auteur des faits », c'est Sollers. D'ailleurs, en le prévenant de la sortie de ce « magnifique hommage », il ne prit même pas la peine de mentionner le nom de son auteur.

Lanzmann d'abord ne réagit pas. Sollers l'a en quelque sorte mis devant le fait accompli, et comment protester alors que tout se passe à l'intérieur de la maison Gallimard (où est publié le grand best-seller du cinéaste écrivain) ? Et puis je sais ce que c'est, après avoir été pillé et trahi, on est d'abord muet, on en perd sa capacité à parler sereinement.

Lanzmann raconte qu'un journaliste de l'Express lui téléphona et l'interrogea sur une rumeur, selon laquelle il serait allé voir le directeur financier de Gallimard pour exiger le tiers des droits du livre d'Haenel. C'est cette diffamation « venimeuse », dit-il, qui le décida à lire la dernière partie du livre Jan Karski. Eh bien, je reconnais parfaitement ce procédé : à moi aussi, quand je commençai à dire à quel pillage avait donné lieu mon œuvre, il fut insinué ou dit maintes fois que j'étais poussée par un désir d'argent. Injure qui m'avait été faite avant cela, d'ailleurs, notamment lors de la parution de mon livre d'entretien avec Stéphane Zagdanski, pour lequel Josyane Savigneau (qui donc n'était pas content que je travaille avec Stéphane, et accessoirement pose nue avec lui ?) avait écrit dans Le Monde cette élégante critique : « Prends le fric et tire-toi ». Insulte antisémite classique, m'avait fait remarquer Stéphane - et il est intéressant de remarquer qu'elle fut renouvelée envers Claude Lanzmann.

Quant à la falsification de l'Histoire, Lanzmann expose très bien les faits. Notant d'abord que le Karski d'Haenel est « pleurnichard », « tristement linéaire, emphatique », « faux de part en part ». Il s'explique sur ses propres choix de cinéaste. Dénonce vigoureusement la « misère d'imagination », les « insultantes platitudes » par lesquelles le romancier décrit la rencontre de Karski avec Roosevelt, de façon complètement mensongère, en contradition totale avec ce qui s'est réellement passé. Et enfin pose longuement la question de savoir si l'on aurait pu sauver les juifs d'Europe, en évoquant diverses tentatives, et leurs échecs ; et surtout en remettant les faits dans une perspective profonde.

Avec tout cela, je vais vous dire : les juifs, c'est moi. « En 1945 (...) il n'y a eu que des complices et des menteurs », a paraît-il écrit Haenel. Je ne sais pas s'il comprend ce qu'il a dit là, ni s'il sait de qui il parle, ni s'il se retourne vers lui-même.

Shalom.

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ma tête, ce soir

ma tête, ce soir

Accouplé à la peur
entre la vie et le vide

le cou engendre le couteau

et le Coupeur de têtes
suspendu entre la tête et le corps

éclate de mou rire

(Ghérasim Luca, A gorge dénouée)

de quoi Elise est-il le nom?

nous sommes nombreux mes frères